Le parcours des bijoux traditionnels
Depuis les années 1950, la bijouterie traditionnelle a connu un essor de ventes pour diverses raisons. L’or est devenu plus convoité que l’argent, alors que l’essor des banques, et de fait l’accès aux comptes bancaires, ont remplacé la fonction des bijoux précieux en tant que moyen d’accumuler des richesses personnelles. De même, les changements vestimentaires ont rendu certains bijoux, comme les broches de ceinture et autres fibules, démodés et pendant un certain temps, la bijouterie et l’orfèvrerie traditionnelles ont été considérées comme désuètes. Les femmes commencèrent dès lors à vendre leurs bijoux en argent aux marchands locaux ou itinérants, qui par la suite les faisaient fondre afin de créer de nouvelles pièces.
L’essor des collections
Cette période fut aussi marquée par l’accroissement de la mobilité internationale. Les touristes étaient de plus en plus présents et de nombreux étrangers trouvèrent des emplois localement. Cela ne concernait pas seulement les travailleurs de l’industrie pétrolière ou les diplomates, mais aussi les archéologues, enseignants et professionnels de la santé. Ils se prirent d’intérêt pour les bijoux en argent qu’ils découvraient chez les artistes locaux, achetant des créations diverses comme souvenirs de leur période dans la région ou simplement par admiration pour le savoir-faire local. Certaines de ces collections privées se sont enrichies avec le temps et comptent des pièces qui sont désormais rares dans leur pays d’origine.
Un moment décisif
Nous sommes à un moment décisif pour le futur des bijoux traditionnels. Trois facteurs jouent un rôle important :
Les bijoux représentent un patrimoine. Trois générations plus tard, la bijouterie traditionnelle et les parures personnelles ne sont plus considérées comme désuètes mais sont les emblèmes d’un patrimoine. Ces bijoux des générations passées sont désormais des marqueurs d’identité. Ils sont étroitement liés aux questions d’origine, de régionalisme et d’histoire. Cependant de nombreuses créations qui sont étroitement liées au patrimoine local ne sont plus accessibles aux communautés d’origine, étant éparpillées dans des collections privées à l’étranger.
Les dernières générations des communautés d’origine sont en train de s’éteindre. Les femmes, qui ont porté ces bijoux au quotidien, sont aujourd’hui porteuses d’une mémoire culturelle associée à leur valeur et à leur symbolisme. Elles appartiennent désormais à une génération vieillissante. Elles sont en train de s’éteindre et avec elles c’est toute une connaissance et une expérience vécue qui qui se perdent.
Dans le même temps, la première génération de collectionneurs vieillit elle aussi. Les jeunes touristes, les voyageurs et les migrants qui se déplacèrent dans ces régions il y a près de 70 ans vieillissent aussi. Leurs collections vont être transmises à de nouvelles générations, ou peut-être, comme c’est souvent le cas, dispersées dans le monde. Les musées internationaux n’ont pas toujours un intérêt pour ce type de collections, tandis que les musées situés dans les pays d’origine ne sont pas souvent connus par les collectionneurs et de fait souvent ignorés comme lieu de lègue. C’est pourtant dans ces musées que ces héritages seraient les mieux appréciés.
Notre projet
De nombreux collectionneurs et leurs descendants font face à un questionnement : que faire de leurs collections ? En parallèle, dans les pays d’origine de ces ouvrages, de nombreux membres des communautés s’identifient de plus en plus à leur patrimoine culturel, un attachement qui est grandissant. L’objectif de Qilada est de créer un lien entre collectionneurs et communautés : nous réceptionnons les ouvrages issus de collections privées, et nous les préparons à être transférés dans les musées et autres institutions culturelles des pays d’origine.
Il s’agit d’un projet au long terme : la période de passation entre la réception d’un bijou et son dépôt dans un musée local peut être longue. Cela s’explique par un travail assidu de recherche, documentation, photographie et restauration, mais aussi parce que les institutions culturelles partenaires ou musées pouvant accueillir ces ouvrages sont émergeants ou tout simplement n’existent pas encore. Cependant, nous sommes convaincus que le moment pour recueillir et sauvegarder ces collections pour les générations futures, est le moment présent – si nous attendons davantage, ces collections et leur histoire seront perdues à jamais.
Lorsqu’une collection est en notre possession, nous lui donnons vie. Nous utilisons ces collections pour sensibiliser le public sur le fait qu’il ne s’agit pas juste d’ornements décoratifs, mais que ces bracelets et boucles d’oreilles sont des éléments essentiels d’un patrimoine culturel. Nous organisons des expositions, participons à des séminaires et conférences et partageons les connaissances associées à ces bijoux et leurs contextes par la voie de publications, blogs, et sur les réseaux sociaux. Plus notre collection s’enrichit et plus nous pouvons l’utiliser pour développer des supports pédagogiques et des sessions de formations de façon à transmettre non seulement des connaissances théoriques et culturelles mais aussi de l’expérience pratique en management des collections.
Collaborations
A Qilada, nous ne travaillons pas seuls. Nous œuvrons en étroite collaboration avec des experts, musées et autres institutions en Afrique du Nord et en Asie du Sud-Ouest. Nous sommes fières de notre comité consultatif afin de nous aider à mener à bien nos projets. Vous trouverez plus ici.
Qilada est une organisation à but non lucratif. Nous dépendons de financements externes pour soutenir nos actions : pour les essentiels tels que le stockage, la sécurité et le nettoyage, pour notre travail de restauration, d’étude et de publication des collections en notre possession et pour développer des supports de formation et des enseignements pédagogiques. Nous n’achetons, ni ne vendons de bijoux : toutes les collections sont issues de dons et seront remises par la suite à nos partenaires.